Le temps d’un café lungo

J’ai dû mal m’assoir sur le siège glissant et trop étroit d’un bar pour mieux voir et entendre. Un café sucré pour s’occuper la lèvre. Le ventre s’arrondit un peu trop je le sens à mesure que les pouces se durcissent. Écrire. Écrire n’importe où. Ici, au croisement de la via G. DE CASTILLIA et… Être à l’affût de tout, tout aimer, chaque son, chaque mot que l’air ne conserve jamais assez, et la mémoire qui oublie elle aussi. Entre l’air de l’instant, entre la couleur pourpre et sombre ou lie-de-vin de ces lèvres qui se taisent un moment et qui passent, entre ces visages plissés par la concentration de la marche ou de la pensée, tous ces regards d’autant plus beaux que les masques effacent les bouches, entre la réalité qui change et la mémoire qui perd se tient, aussi fière de soi que le Bosco Verticale, la volonté.

Je suis fier d’elle quand j’écris. Je suis heureux comme le chat, orgueilleux quasi comme lui, content, l’œil qui n’ose pas trop encore s’attaquer à la fontaine végétale là-haut, qui doit briller pour les arbres plus clairs qui regardent le soleil qui vient de l’Est, derrière moi. Heureux des gens. Content des balcons. Heureux de cet homme au fond au tee-shirt bleu qui s’étire avant de se remettre à écouter la femme debout qui lui parle, le masque bouc couleur aigue-marine. Des étudiantes, là devant moi, dont l’une tient son téléphone et les autres qui se penchent comme on boirait à l’oasis. Des lettres d’une grosseur propagande sur la paroi qui protège des regards et des intrusions d’un immeuble presque fini que j’aperçois mal entre les érables sur la la pelouse à moins que ce ne soient des tilleuls. Je ne sais jamais. J’ai jamais les mots. Non ho le parole. RIGINE FUTURO c’est tout ce que j’arrive à lire. Ça résume un peu l’endroit de toute façon. C’est la fine fleur lombarde qui s’étire un peu partout ici.

Voilà deux ans peut-être que je n’étais venu, le jardin était plus court, entre ici et le centre commercial près de Garibaldi et sa fontaine où les enfants jouent en été pourvu qu’ils n’y fassent pas pipi. Les immeubles étaient en petit nombre encore.

Elle fait tomber son sac de toile. La main attentive à la la glace qui peut verser à tout instant. Photo. Peut-être plusieurs d’ailleurs. Elle se souviendra de ce jour en flânant dans sa galerie virtuelle, se souviendra peut-être du sac et du bruit mat, de moi peut-être, de la couleur des feuilles qui viraient doucement déjà au gris de la fin de septembre. Des français passent, l’air moins bêtes que d’habitude. Commentaires sur le quartier. Contents tous deux. Sourires. Une copine l’a rejointe et la glace s’amenuise. J’entends d’ici crisser le cornet, je vois d’ici la serviette blanche qui protège les doigts et la jolie robe qui met en valeur la peau et les cheveux bruns ; le dos bien droit qui contrebalance la rondeur du coussin, violet comme la ligne du métro. La petite bouteille d’eau juste devant la bouche, juste avant que le sourire s’efface pour boire. Elles s’en vont. Il fait très bon.

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