Rien ne saurait confiner la lumière

Marseille. Le temps d’un week-end. Je suis adossé contre un poteau électrique qui strie de fils le ciel du soir, vers la fin du CHEMIN du VALLON de l’ORIOL. On pourrait croire que je ne fais rien, la tête en l’air, à m’ennuyer, sorti de la maison fâché contre moi-même, à ruminer cette pensée de ne pas avoir assez fait pendant le jour, alors que j’étais au Prophète, à regarder les gens avec une crainte mêlée de tendresse de les voir dehors, arcboutés les muscles déjà bronzés du dos dans l’effort en plein match de volley, comme si de rien n’était, ni virus ni quarantaine, de les voir allongés dans le sable comme toujours, lunettes sur l’aile du nez, jouant comme toujours au milieu des enfants, m’usant les yeux déshabitués à scruter les effets du soleil, ébloui, le serf-volant en forme de papillon tout au bord du ciel, frôlant le sable, repartant brusquement dans une intelligence de geste vers l’azur, l’azur, l’azur, je n’avais que ça au fond des yeux, je sentais ma pupille résister et s’ouvrir tour à tour, larguer ses voiles brunes et vertes, s’ouvrir large et maintenant, voilà.

Je suis à cet endroit difficile aux voitures, toujours contre le dur du poteau, et avant même d’y parvenir je me souvenais déjà des griffures que certains malchanceux avaient dessiné sur le mur gonflé par l’ombre des maisons, en essayant de se faufiler du haut de la colline jusqu’ici. En face j’ai le vallon, je dirais que c’est Vauban je crois mais je n’en suis pas sûr, et c’est lui qui m’a arrêté dans ma descente, parce que la lumière est là, déjà frêle dans cette heure avancée pour cette fin d’hiver, mais le vent est tombé et je suis là, heureux comme il faut au milieu des façades, des volets et des vitres qui rendent à la lumière ce qui lui appartient, dans un effet du reflet qui s’appauvrit toujours un peu plus mais dont je viens saluer l’effort.

C’est si beau. Les gens qui passent peu nombreux et qui rentrent chez eux. Je les admire sans gêne, j’ai les yeux qui vont chercher naturellement les yeux des chauffeurs, pour essayer de penser ce qu’ils pensent, de les sentir la main un peu tendue sur le doux du volant, ils ralentissent dans le virage dont le bitume sale est marqué d’huile, ils braquent comme ils peuvent, fuyant un peu au dernier moment les potelets qui sont là pour protéger le mur sali d’une plante grimpante dont il ne reste que les branches et les premiers bourgeons rouges tout petits qui me font me pencher pour les voir, les gens rentrent et sortent parsemés de la boutique de la station service devant laquelle je suis si souvent passé, si souvent, si souvent. Je les entends rire, car tout remonte, mais maintenant les murs ont blanchi. Le soleil est tombé tout au fond, et seule une vitre orangée est là qui fait mémoire, alors que demain ce sera la même chose, la même vie, les mêmes vitres, les mêmes bruits et pas beaucoup plus malgré qu’on soit dimanche. Vous savez pourquoi. Mais rien ne saurait confiner la lumière.

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